Le jeudi 13 juin au matin, nous nous réveillons peu après 8h, dans le plus grand calme. Aucun pirate n'est venu troubler notre sommeil. Le froid nous saisit au moment d'ouvrir la porte latérale du combi. On fait couler le café pour se réchauffer face au vent frais du Pacifique. Banane, lait et petits gâteaux sont au menu du petit-déjeuner.
Dans deux jours, nous espérons rejoindre La Serena, la prochaine grande ville chilienne située sur le littoral. Avec ses 250 000 habitants, il paraît que le calme règne à l'ombre de ses églises coloniales très bien préservées. Pour y arriver, il nous faut dévaler près de 500 kilomètres, entre l'océan et la célèbre Panaméricaine (la Ruta 5 du Chili).
Notre première étape est à 150 kilomètres de notre paisible Baie des Anglais. Problème : notre pneu avant-gauche ne semble toujours pas en pleine forme. A la station-service suivante, nous nous apercevons qu'il continue de perdre en pression. Nous regonflons le tout, en espérant trouver bientôt un garagiste, avant qu'il ne soit totalement raplapla.
Peu avant midi, nous quittons la petite route du littoral pour redescendre jusqu'au village de pêcheur de Carrizal Bajo.
Dans les années 1850, c'était l'un des ports les plus importants du pays. La ville pouvait également compter sur un important gisement de cuivre. Mais à la fin du 19ème siècle, la baisse de la production minière a entraîné le déclin du territoire. En 1922, c'est la catastrophe : un vaste tremblement de terre détruit toute une partie de la ville. Carrizal Bajo comptait près de 8 000 habitants il y a encore 150 ans. Aujourd'hui, ils ne sont plus qu'une petite centaine.
A notre arrivée, quelques toutous nous font coucou devant leur pas de porte. Un vieil autobus a été transformé en bibliothèque municipale.
La façade de l'église blanche vient d'être repeinte. Elle est tout aussi sobre à l'intérieur.
Dans les rues poussiéreuses de cette petite cité en pente, nous ne croisons pas grand monde. Seulement des ouvriers qui travaillent sur la place de l'église, une vieille dame au pull rouge partie faire ses courses, et quelques pêcheurs de retour dans le port.
Voici un diaporama de notre visite à Carrizal Bajo (cliquez sur le palmier à droite de la voiture pleine de poussière) :
Nous avons encore une petite heure de route avant de prendre un café chaud dans la petite ville de Huasco et ses 9 000 habitants. A la fin du 19ème siècle, le port servait, lui aussi, de base d'exportation du cuivre. Aujourd'hui, c'est une cité tranquille, traversée par une grande avenue principale où se sont installés boutiques et restaurants.
En se dirigeant vers le port, encore très actif aujourd'hui, nous apercevons les vestiges de l'ancienne ligne de chemin de fer, celle qui transportait le cuivre jusqu'aux bateaux.
Place maintenant aux nombreux pélicans qui attendent les pêcheurs de patte ferme, au cas où un ou deux poissons se feraient la malle, de retour dans le port.
Un petit chat, lui aussi, espère bien se mettre un poisson sous les dents.
C'est aussi l'heure du repas pour Chacha et Lulu. Nous jetons notre dévolu sur un délicieux et pas cher "Churrasco" à déguster sur la promenade (poisson, oignons, tomates, salade et herbes fraîches).
En repartant, nous sommes obligés de remettre un petit coup de gonfleur dans notre pneu fatigué et c'est reparti pour notre dernière ligne droite jusqu'à Vallenar. Là-bas, nous tenterons de bifurquer sur la Ruta 5. Nous disons au revoir, pour quelques heures, à l'océan Pacifique.
Nous ne savons pas du tout où dormir. La nuit tombe bientôt et aucun endroit ne semble accueillant pour la nuit. Nous optons finalement pour Domeyko, ville grisâtre au bord de la Panaméricaine. Le lieu n'est clairement pas engageant : la poussière est partout, certaines maisons semblent sur le point de s'écrouler, la rue principale est en travaux et les habitants nous regardent avec un drôle d'air.
Nous pensons que les étrangers se font rares ici. Il est vrai que voir un combi rouge et blanc faire deux fois le tour du quartier pour trouver une place de parking peut paraître étrange.
C'est finalement le curé de l'église qui nous donne le bon conseil : « Vous pouvez vous garer sur le trottoir, juste devant la Poste. Le commissariat est à côté, vous n'aurez aucun problème de ce côté-là de la ville. En revanche, évitez de traverser la rue, on ne sait jamais, le quartier n'est pas très sûr. »
Nous suivons ses recommandations à la lettre. Nous n'avons plus d'eau, nous n'avons pas pris de douche depuis trois jours et nous sommes garés au milieu de l'avenue. Par chance, le curé nous ouvre la porte de La Poste pour accéder aux toilettes. La nuit tombe. Il fait un froid de pélican.
Le vendredi 14 juin au matin, nous prenons notre courage à deux mains pour ouvrir la porte du combi. Les fenêtres sont pleines de buée. En sortant notre nez dehors, nous sommes saisis par ce froid matinal. Les montagnes cachent encore les rayons chauffants du soleil. Un verre de lait et quelques gâteaux secs au chocolat nous servent de petit-déjeuner. Nous reprenons au plus vite l'autoroute 5 pour filer tout droit jusqu'à La Serena. Nous devons encore parcourir près de 150 kilomètres.
La Panaméricaine est une succession de montées et de descentes. Les virages sont rares. Autour de nous, la roche des Andes remplace le sable d'Atacama.
A 14h, nous atteignons enfin les grandes artères de La Serena, capitale de la région de Coquimbo ou Norte Chico.
La ville a été fondée en 1544 sous les ordres de Pedro de Valdivia. C'est d'ailleurs l'une des plus anciennes du pays. Sa volonté était de faire naître un point de connexion entre Santiago et le royaume du Pérou. Aujourd'hui, La Serena est une cité balnéaire prisée des touristes et des habitants du Chili du nord (près d'un million de personnes visitent la ville chaque année). Les hôtels et les grandes avenues bordées de palmiers en sont le témoignage.
Dans le centre-ville, il est interdit de construire des bâtiments de plus de trois étages (alors que sur le littoral, on ne se gène pas pour construire de grandes tours destinées aux riches touristes). L'idée est de préserver le style colonial du cœur de ville. Il faut dire que certains édifices valent le coup d’œil. La Serena est également surnommée « la ville des clochers » car elle compte une trentaine d'églises ! Rien que ça !
Le symbole de La Serena, c'est également son marché de La Recova : un monument sur deux étages abritant des dizaines d'artisans (venus du Nord du Chili mais aussi de Bolivie et du Pérou). Ceux-ci confectionnent, pour la plupart, des bijoux en Lapis Lazuli, la pierre nationale du Chili, semi-précieuse et bleue azur. En terrasse, des restaurants proposent fruits de mer et liqueurs de la région. A noter que le bâtiment a été ravagé par le grand tremblement de terre de 1975. Le nouvel édifice a été inauguré par le dictateur Pinochet et ses hommes.
Avant de partir à la recherche d'un lieu où dormir pour la nuit, voici un diaporama de la belle et tranquille Serena (la flèche est cachée dans les feuilles à droite dans l'arbre):
Le soir-même, nous traversons les faubourgs de la ville pour dénicher un électro-mécanicien. Il semblerait que notre phare-avant batte de l'aile. Il faudra deux heures et autant d'ateliers pour trouver un nouveau fusible avant de rejoindre la ville voisine de Coquimbo (merci à Boris le mécano et Christian l'électricien pour leurs coups de main).
C'est donc caché derrière une station-service ultra-moderne, avec vue sur l'océan, que nous passerons la nuit.
Les nuages paisibles défilent, tandis que le soleil disparaît dans l'eau du Pacifique.
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