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Étape n°47 : "Objectif Lune" dans le désert d'Atacama

En arrivant en Amérique du Sud, Charlotte avait un rêve : aller voir les étoiles dans le désert d'Atacama. Il paraît que dans cette région du monde, la voûte céleste est préservée de toute pollution. Le ciel y serait d'une pureté inégalée. Et Chacha veut à tout prix le vérifier. Mais pour cela, il va falloir traverser l'un des territoires les plus arides de la planète. Ce matin, 7 juin 2019, nous prenons la route, direction : San Pedro de Atacama, dans l'espoir de croiser Saturne ou Jupiter sur notre chemin.


Nous quittons Arica en fin de mâtinée, après avoir profité d'un énorme petit-déjeuner préparé avec soin par Ross, notre hôte néo-zélandaise. Ensuite, une petite pause chez le garagiste s'impose. La vidange est à faire, le filtre à dépoussiérer, les pneus à regonfler et le distributeur à vérifier. C'est bon : nous sommes parés pour le désert et nous entamons notre descente infernale de la Ruta 5, la Panaméricaine (route mythique reliant l'Alaska à Ushuaïa).



Nous n'en avons pas fini avec les montagnes. Les grimpettes sont interminables. Le chemin gris serpente dans le sable blanc. Le combi prend son temps dans les cols pour ne pas finir dans le ravin. De toute manière, il est rare de passer la troisième vitesse. Le paysage est digne d'un romain fantastique.



Malheureusement, la présence humaine nous saute aux yeux de manière brutale : une énorme publicité Coca-Cola déchire le flanc de la montagne. Impossible de la rater. Les communicants ont réussi leur coup, et c'est la nature qui en paie le prix.



Vers 16h30, nous arrivons à un grand carrefour. Si nous prenons la bifurcation, nous arrivons à Iquique dans la soirée, ville côtière de 180 000 habitants, prisée pour ses spots de surf. Mais nous préférons continuer sur la Ruta 5 pour éviter tout détour. Celui-là nous rallongerait la sauce de 90 kms. Un vautour nous souhaite bonne route sur son vieux bidon orange.



L'intérieur des terres est toujours aussi désertique. Des villages fantômes se succèdent sur le bas-côté : ce sont d'anciennes cités minières. Voilà les vestiges d'une grande industrie spécialisée dans le nitrate (l'or blanc du désert). Ce nitrate de potassium permettait d'obtenir ce qu'on appelle du salpêtre (en latin, cela signifie "sel de pierre"). Cette substance mélangée à du soufre et du charbon de bois permettait de fabriquer de la poudre noire ou poudre à canon !


Nous faisons une pause à Humberstone, cœur de la production de salpêtre au début du 20ème siècle. L'endroit a été laissé à l'abandon suite à la fin du boom minier des années 1960. Nous sommes aujourd'hui dans une ville recouverte de poussière. Patrimoine mondial de l'UNESCO, le site est désormais placé sur la liste des lieux en péril.

Peu avant 19h, le soleil se cache sous l'horizon. Nous décidons de nous arrêter dans la seule station-essence du coin, non loin de Pozo Almonte. Nous avons roulé plus de 270 kms aujourd'hui, entre sable et cailloux. Nous sommes ce soir au milieu de rien et nous dormirons sur le parking des routiers. Le froid et le vent se lèvent. Nous nous réchauffons un peu à l'intérieur de la station en regardant un match de l'équipe de France de football à la Coupe du monde. Surprise, derrière le comptoir, on aperçoit une machine à laver. Nous en profitons pour laver nos vêtements sales de plusieurs semaines. Nous ne tardons pas à nous calfeutrer dans Combistador pour une nouvelle nuit, emmitouflés dans nos manteaux et nos sacs de couchage.



Les températures sont descendues plus bas que prévu : la nuit a été rude. Le réveil se fait en vitesse autour d'un café chaud et d'une douche revigorante. C'est reparti pour une très grosse journée de route. Plus de 330 kms nous attendent dans le désert. Les montées sont douces mais interminables.



Sur les flancs de montagnes, pas de publicité, mais d'authentiques géoglyphes : des dessins d'anciennes civilisations sont visibles à des kilomètres. Étymologiquement, géoglyphe signifie « gravure de la terre ». Ci-dessous, nous apercevons des petits carrés en forme de losange !



En milieu d'après-midi, la Ruta 5 se trouve coupée en deux. Nous voilà au croisement de la Ruta 24.



Si nous tournons à droite vers l'ouest, nous tombons sur le grand port de Tocopilla. Si nous tournons à gauche vers l'est, nous prenons la route des montagnes intérieures. San Pedro de Atacama ? C'est par là ! Mais nous ne pourrons pas atteindre la capitale du désert dans la journée, le soleil est déjà bas dans le ciel. Nous sommes contraints de faire une ultime halte à Calama. Dans nos guides, l'énorme ville poussiéreuse n'est clairement pas conseillée. Coincée entre une vaste mine à ciel ouvert et le désert, la cité semble peu fréquentable. Tant pis, nous sommes bien obligés de dormir ici. Nous n'avons clairement pas envie de passer notre nuit sans refuge, ballottés par les vents du désert.



Avant d'atterrir dans un sombre parking, nous devons contourner la gigantesque mine de cuivre de Chuquicamata. Les camions grignotent la montagne et la poussière se dépose sur la ville.



Calama est à la fois « glauque et crasseuse » indique notre guide papier. Clairement, nous ne nous attarderons pas ici. Le temps de faire quelques courses au supermarché du coin et de dormir dans la lumière d'une station-essence, près du boulevard à l'entrée de la ville.



Le dimanche 9 juin au matin, le réveil est un peu difficile. Des fêtards ont traîné toute la nuit sur le parking. Heureusement, les rayons du soleil passent à travers la vitre de la cafétéria et la chaleur retrouvée nous fait du bien. Le ciel est bleu. Top départ pour une centaine de kilomètres supplémentaires dans les collines ensablées d'Atacama. San Pedro, tu n'as jamais été aussi proche !



Aux abords du village, le relief s'intensifie. Les formations rocheuses irréalistes nous encerclent.



Au loin se dessine le volcan Licancabur, un cône de 6 000m de haut. Les trois quarts du volcan se situent sur le territoire chilien et le reste, dans le Sud Lípez bolivien. Ce fameux Licancabur, nous l'avions déjà observé de près ! Souvenez-vous, c'était dans le Salar d'Uyuni. Il y a près d'un mois, nous étions de l'autre côté !



Après une ultime descente au milieu des pics rocheux, nous arrivons dans le centre de San Pedro, bourg de 4 000 habitants, envahis de touristes. L'effet est saisissant après plusieurs heures de solitude dans le désert. Dans les rues pittoresques, des agences de voyages ont investi les maisons de terre et de paille. Heureusement, en s'éloignant un peu de l'artère principale, on ressent une toute autre ambiance. La messe se tient dans une église en adobe. Des chiens dorment dans la poussière. Des jeunes boivent un café sur la place principale, à l'ombre d'un grand arbre. En voici un petit diaporama (en cliquant sur la flèche située sur la porte en bois à droite) :



Pour la fin d'après-midi, nous partons en excursion dans les alentours. Nous prenons la direction des ruines « del Pukará de Quitor », site archéologique précolombien aujourd'hui monument national. Il s'agit d'une forteresse en pierre située à trois kilomètres au nord-ouest de la ville.



Pour y arriver, nous traversons la rivière San Pedro (quasiment à sec) avant d'entamer l'ascension de la colline.



Ce fort défensif a été construit au 12ème siècle. Au sommet, nous avons une vue imprenable sur la vallée.



En poussant encore quelques centaines de mètres plus loin, nous pouvons également découvrir un mirador religieux constitué de quatre croix, mais aussi une plaque en l'honneur de 25 Atacameños (Indiens Atacamas) qui ont lutté contre « les envahisseurs avides d'or », ces Européens venus conquérir le désert au 16ème siècle.



Les Indiens Atacamas formaient une ethnie aujourd'hui disparue. Leur langue (le « kunza ») est officiellement éteinte même s'il subsiste quelques expressions dans la bouche des habitants du désert. Ils croyaient en différents dieux, réfugiés au sommet du volcan Licancabur. Les quatre croix catholiques plantées au sommet de leur forteresse sont le symbole de la victoire violente d'une religion sur une ancienne croyance polythéiste.



Sur le côté de la plaque commémorative, quelques visages indigènes ont été sculptés en leur honneur dans la pierre.



Voici un petit diaporama de notre ascension du mirador :



Le soleil baisse à vue d’œil dans la vallée. Nous devons rebrousser chemin. La chaleur de l'après-midi laisse place au froid du vent. La sensation est encore plus glaçante après avoir trempé notre t-shirt de sueur en grimpant en haut de la forteresse de Quitor.



De retour à San Pedro, nous sommes dans le doute. A cette heure-ci, le ciel n'est pas bien dégagé. Pour vous expliquer : nous avons réservé une séance d'observation des étoiles, cette nuit. Mais si les nuages persistent, cela tombe à l'eau et la séance est annulée. Nous croisons fort les doigts car si nous ratons l'observation de ce soir, c'est fichu : à partir de demain, la Lune sera beaucoup trop grosse pour profiter pleinement du ciel. Aucune observation n'est programmée avant plusieurs jours et le retour de la nouvelle Lune. C'est donc ce soir, ou jamais !



Nous devons attendre le dernier moment. Nous soufflons sur notre empanada brûlant aussi fort que sur les nuages du ciel pour qu'ils s'en aillent. Nous retrouvons avec plaisir la bière australe chilienne qui nous avait bien plu au début du voyage. Ça y est, c'est l'heure du verdict : notre guide nous voit arriver, le sourire en coin. C'est bon !!! Les nuages sont toujours là mais ils devraient se dissiper dans la nuit et nous laisser le champ libre pour apercevoir les objets du ciel !!!


Nous sommes enchantés. On embarque aussitôt dans un petit bus. Le site d'observation est à quelques kilomètres du centre pour ne pas se laisser polluer par les lumières de la rue. Quelques arbres et de curieuses sphères blanches d'observation se dessinent soudain dans l'obscurité.


Sur place, nous découvrons une dizaine de grands télescopes et une petite hutte sur le côté. La Lune est brillante mais pas assez pour gêner l'observation. Il est 21h30, il fait un froid de condor. Nous restons debout dans le désert à écouter notre guide, une couverture sur les épaules. Nous devons sautiller sur place pour ne pas avoir les orteils gelés.



Nous sommes au milieu du salar d'Atacama, à regarder la Lune et les étoiles. Le moment est magique.


Notre guide nous apprend plein de choses. Dans l'hémisphère sud, nous ne voyons pas le même ciel que dans l'hémisphère nord ! Et surtout, nous ne trouvons pas notre fameuse étoile polaire. Vous savez, cette étoile (aussi appelée étoile « du Berger ») qui est la plus brillante de la constellation de la Petite Ourse. Dans l'hémisphère nord, elle indique toujours... le nord. Figurez-vous que dans le désert d'Atacama, comme ailleurs dans le sud, l'étoile polaire est littéralement de l'autre côté de l'horizon, sous nos pieds !

Notre guide nous précise alors comment faire pour se repérer dans le ciel. C'est simple, il suffit de dénicher une autre constellation : la Croix du Sud. Il s'agit d'un petit groupe d'étoiles, aussi appelée « Boîte à bijoux » ou « Boîte à diamants ». Ce petit amas permet de situer facilement le pôle sud céleste !



Notre guide est très gentil et nous le comprenons parfaitement. C'est un bonheur de l'écouter. On en oublierait presque le froid saisissant qui traverse nos manteaux. Une heure plus tard, place à l'observation ! Chaque télescope vise un objet astral particulier : des constellations, des nébuleuses ou encore des galaxies. Mais ce qui nous marque le plus, c'est bien sûr la Lune et ses cratères. Nous l'observons avec ravissement. Sans oublier Jupiter et Saturne, parfaitement visibles. Regardez-bien sur la photo ci-dessous, nous apercevons facilement les célèbres anneaux de Saturne !



Quelques minutes plus tard, nous filons sous la hutte pour un chocolat chaud. C'est l'occasion pour les visiteurs de poser de grandes questions sur l'univers. Est-il infini ? Y a-t-il un autre système solaire comme le nôtre ? Une autre forme de vie sur Mars ou ailleurs ? Notre guide n'a pas toutes ces réponses, évidemment, mais nous l'écoutons toujours avec grand plaisir. Décidément, astronomie et philosophie font bon ménage.



Cette nuit, nous réalisons un de nos plus beaux objectifs mais surtout, nous pensons fort à Gwendoline de la classe de CM1 de Madame Pacini qui, à notre venue en cours avant notre départ, nous avait confié qu'elle était passionnée d'astronomie. Elle nous avait parlé des observatoires, des télescopes et des étoiles du désert. Ça y est, nous y sommes, et nous pensons à elle, sous le clair de Lune.

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