Le 6 juin au matin, nous quittons Moquegua pour notre ultime étape péruvienne : Tacna, à quelques encablures de la frontière chilienne. Nous avons près de 200 km à dévaler plein sud avant d'atteindre le poste des douaniers.
Le bitume se voit à des dizaines de kilomètres à l'horizon. Il y a peu de monde qui passe par ici. Jusqu'à Tacna, c'est une succession monotone de pylônes électriques et de montagnes grises. Les nuages se jouent du soleil et les ombres se cachent dans les collines de sable beige.
Franchement, la route n'est pas très agréable. Monotone et venteuse. Il reste encore quelques pentes difficiles à gravir. L'arrivée à Tacna est un petit soulagement, même si la descente dans cette énorme ville de poussière n'est pas très engageante. Nous sommes désormais à 600m au dessus du niveau de la mer. Cela faisait longtemps que nous n'étions pas descendus à une telle altitude.
Près de 300 000 habitants s'agglutinent au milieu des travaux et de la pollution. Nous ne faisons aucune halte : la frontière est à quelques dizaines de kilomètres. Nous l'atteignons vers 15h. C'est une vraie fourmilière. C'est la première fois qu'il y a autant de monde à un poste-frontière. De nombreux sud-Américains tentent leur chance pour trouver une vie meilleur au Chili. Ceux-ci s'ajoutent au flux continuel de camions et d'habitants du coin. La file d'attente est interminable et nous apprenons que nous n'avons pas les bons papiers. Il faut acheter une nouvelle autorisation de passage international. Rebelote pour plusieurs minutes de patience.
La douanière est exécrable : pas un regard, pas un sourire, pas un coup de main pour nous expliquer le document à acheter. La dame dodue est coincée de toutes parts : dans son costume officiel et dans son fauteuil rehaussé. Les seuls mots qu'elle daigne nous donner sont étouffés par la vitre protectrice. On ne comprend rien. Elle ne fait rien, non plus, pour nous aider à entendre. Elle nous envoie finalement balader dans un long soupir, les yeux au ciel. De notre côté, la colère monte.
Heureusement, un autre policier nous donne de meilleures indications après de longues minutes de recherches. En réalité, il faut aller à la cantine des douaniers et acheter ce fameux bout de papier, au milieu des bouteilles de Coca et de chewing-gum. On en profite pour déjeuner au self des policiers. Ce jour-là, c'est Charlotte qui a mal au ventre et avale difficilement son assiette. Nous repartons dans la foulée après une nouvelle file d'attente et une vérification sans fin du véhicule. Il faut enlever toutes nos valises et les passer sur un tapis roulant comme dans les aéroports. Combistador est ensuite fouillé dans tous les coins par trois douaniers différents. Surprise, il n'y a ni drogue ni banane illégale à se mettre sous la dent. Nous reprenons la route, il est déjà 18h. Nous sommes de retour au Chili 130 jours après l'avoir quitté. Et cela vaut bien une vidéo rien que pour vous :
Ce soir, notre refuge s'appelle Arica, une grande ville portuaire. Et vous l'avez entendu dans la vidéo, nous avons le très grand plaisir de retrouver, enfin, l'Océan Pacifique !
Avec 240 000 habitants, Arica est la plus grosse ville de l'extrême-nord chilien. Il s'agit de l'une des villes les plus arides du monde : la pluie ne se montre presque jamais. Et pourtant, la température y est douce quasiment toute l'année grâce à l'océan. Arica est même surnommée "ville du printemps éternel". C'est aussi la porte d'entrée du célèbre désert d'Atacama. Ce sera d'ailleurs notre prochaine étape !
En attendant, nous avons le plaisir de dormir chez un vieux monsieur néo-zélandais aux petits soins avec nous. Il nous offre un jus de fruits et nous donne même une carte de la ville dessinée à la main pour qu'on ne se perde pas. Son espagnol à l'accent british est un délice. "Vous avez de la chance, ce soir, c'est la fête à Arica ! Près du Morro, il y aura des feux d'artifices et des stands avec de la musique et plein de nourriture".
En fait, la ville commémore la fameuse prise du Morro de Arica (la "colline" ou "falaise" de Arica) : une bataille de la Guerre du Pacifique (1879-1884) qui a permis aux Chiliens de reprendre la ville aux Péruviens ! Un grand drapeau bleu, blanc, rouge flotte d'ailleurs toujours au sommet de la colline.
Nous profitons donc de cet instant de fête locale pour découvrir une ville agréable, truffée de petites ruelles et de cafés. La grande avenue principale est le théâtre idéal pour les artistes de rue. Des guitaristes fous s'en donnent à cœur joie.
Sur la place principale, là où se tient un concert le soir-même, nous poussons les portes d'une curieuse église rouge et blanche.
Le curé du coin engage la conversation avec plaisir. Son visage s'illumine en apprenant que nous sommes Français : "Vous saviez que cette église a été édifiée grâce à votre Gustave Eiffel ?"
En réalité, la Cathédrale de San Marcos a été totalement détruite en 1868 à cause d'un tremblement de terre. Une toute nouvelle église à vu le jour dans les années qui suivirent. Les pièces ont été fabriquées dans les ateliers de Gustave Eiffel et assemblées directement sur les restes de l'ancien bâtiment. Le curé nous raconte l'histoire et nous autorise même à passer la barrière d'interdiction pour grimper au sommet. Impossible de ne pas repérer des similitudes entre la Cathédrale de San Marcos et notre bonne vieille Dame de Fer !
Tout en haut de l'église, nous avons un très joli coup d’œil sur la place principale. Un couple attend sur les marches et un petit assure au skate-board. Les palmiers en imposent !
De l'autre côté de la place, nous arpentons tous les stands installés pour la fête. Un artisan fait découvrir son talent à la poterie. Un clown farceur tente de récupérer une ou deux pièces en faisant rire les passants. Une vieille dame sur sa chaise en plastique rouge vend des bonbons et des chaussettes.
Nous nous arrêtons pour grignoter des "churrascas" faites maison. Ce sont des petits pains typiquement chiliens (à la farine de blé) souvent garnis d'avocat ou de fromage. Parfait, on avait une faim de guanaco ! Et on s'en sort pour quelques pesos !
Pour venir jusqu'ici, nous avons longé la plage. Pour le retour, nous décidons de bifurquer via le centre-ville. L'occasion de prendre encore quelques photos avant de nous endormir dans un grand lit chaud. Voici un petit diaporama de notre passage à Arica (pour faire défiler les photos, c'est la flèche noire à droite sur le sable) :
Demain, nous partons à l'assaut du désert d'Atacama ! Avec, on l'espère, la possibilité d'observer les étoiles dans l'un des ciels les plus purs du monde !
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